Chapitre V

Applications : analyse de flux métaboliques, pharmacocinétiques.

       
I. Introduction
       
Outre le métabolisme de l’eau corporelle qui nous a servi de modèle dans la mise en œuvre des méthodes et formulations de l’analyse compartimentale et non compartimentale tout au long des chapitres II à IV, la physiologie offre une multitude de systèmes tout aussi instructifs les uns que les autres. Les exemples de ce chapitre ont fait l’objet de Travaux Dirigés mais peuvent s’inscrire dans un cours si le temps réservé à cet enseignement est suffisant.

Nous avons choisi d’étudier dans ce chapitre quelques éléments du métabolisme des hormones thyroïdiennes qui nous permettront d’évoquer les limites ou insuffisances de l’analyse compartimentale. De nombreux travaux ont été publiés sur le métabolisme d’autres substances endogènes (stéroïdes hormonaux, acides gras et graisses, acides aminés et protéines, minéraux divers, électrolytes, etc.). Ils peuvent servir de bases à un approfondissement des connaissances en analyse de flux.

Un exemple de pharmacocinétique in vitro (diazepam) permettra d'apprécier l'universalité de l'analyse compartimentale dans les conditions particulières de la culture cellulaire.

       
II. Métabolisme des hormones thyroïdiennes.
       
a- Eléménts de physiologie des hormones thyroïdiennes
       
Les modèles théoriques de la figure V-1 sont construits en conformité la plus étroite possible avec ce que l’ont sait de la physiologie des hormones thyroïdiennes (DiStefano et al., 1982a et 1982b; Zeghal et al., 1992; Valentin et al., 2000).
       

Figure V-1 : Modèles théoriques du métabolisme de la thyroxine ou T4 (haut) et de la triiodothyronine ou T3 (bas). Le marqueur (en rouge) est injecté par voie intraveineuse comme hormone marquée par l’iode radioactif 125I ou 131I. L’élimination consiste pour l’essentiel en une désactivation de l’hormone (désiodation, sulfo ou glucuro-conjugaison, désamination, excrétion fécale, …)

       
La glande thyroïde produit et sécrète de la thyroxine ou T4 et un peu de triiodothyronine ou T3, celle-ci étant l’hormone iodée physiologiquement active. La thyroïde est seule à libérer de la T4, tandis qu’une fraction importante de la T3 (plus de 70 % chez l’Homme) est issue de la conversion enzymatique de T4 en T3 (5’-désiodation) par les cellules non thyroïdiennes (foie, reins, système nerveux, etc. ...)

R10 représente le flux de production de T4 ou de T3 par la thyroïde, celle-ci faisant partie de l'extérieur, R20 le flux de conversion périphérique de T4 en T3 par action des 5’-désiodases. Les hormones radioactives sont marquées par l’isotope 125I de l’iode en positions 3’ et 5’ pour T4-125I et l’isotope 131I en position 3’ pour T3-131I. Elles sont administrées par voie intraveineuse en dose traceuse dans le compartiment central. Il est intéressant de noter que les isotopes radioactifs de l’iode  commercialement disponibles sont nombreux (124I, 125I, 129I, 131I, 132I) et qu’il est commode d’analyser simultanément le métabolisme de plusieurs substances iodées dont l’iode minéral. Dans nos expériences, nous injectons simultanément T4-125I et T3-131I. Les mesures concernant les deux hormones sont effectuées sur les mêmes échantillons, car les compteurs de radioactivité séparent très bien les isotopes en fonction du spectre d’énergie de leur rayonnement.

Les données expérimentales sont adaptées de travaux de Di Stefano et al. (1982a et 1982b) chez des rats mâles adultes pesant en moyenne 380 g. Le tableau V-1 et la figure V-2 montrent les valeurs recalculées des concentrations plasmatiques en T4-125I et T3-131I en % de la dose / ml équivalent de plasma au cours des heures qui suivent l’injection des marqueurs. Les concentrations en hormones stables, [T4] et [T3], sont respectivement égales à 29 et 0,36 ng / ml de plasma.

       

Tableau V-1 : Concentrations plasmatiques en T4-125I et T3-131I chez des rats mâles en fonction du temps suivant l'injection des deux marqueurs.

Temps

(Heures)

T4-125I

(% de la dose / ml)

T3-131I

(% de la dose / ml)

0,05 3,0250 0,4036
0,25 2,7193 0,3182
0,5 2,4039 0,2459
1 1,9417 0,1677
2 1,4289 0,1155
3 1,1847 0,0988
4 1,0517 0,0888
5 0,9657 0,0805
10 0,7092 0,0498
15 0,5319 0,0308
20 0,3990 0,0191
25 0,2993 0,0118
       
Les auteurs ont utilisé des modèles à 3 compartiments qui décrivent très bien le métabolisme des hormones chez le rat adulte. Pour les besoins du cours ils ont été réduits à 2 compartiments afin de simplifier l’illustration des problèmes posés par des échanges directs entre l’extérieur et les compartiments périphériques Les résultats en sont légèrement altérés comme il a été signalé antérieurement (chap. II). Nous verrons qu’une réduction à 1 compartiment modifie significativement les paramètres du métabolisme des hormones thyroïdiennes en particulier pour la triiodothyronine.
       

Figure V-2 : Courbes en coordonnées semi-logarithmiques de concentrations plasmatiques en T4-125I et T3-131I chez des rats en fonction du temps suivant leur injection. Les droites rouges et vertes représentent les composantes mono-exponentielles résultant du peeling de la courbe expérimentale (chap. II).

       

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