Chapitre IV Analyse dite non-compartimentale |
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La manipulation algébrique des formules de lanalyse compartimentale (chap. II) a permis délaborer les formules de lanalyse dite non-compartimentale pour des systèmes ayant des propriétés bien définies, en particulier labsence déchanges directs entre les compartiments périphériques et lextérieur. Cette méthode de calcul fait abstraction des compartiments doù le qualificatif de non-compartimentale (Oppenheimer et al. 1975; DiStefano 1982 et 1989; DiStefano & Landaw 1984; Landaw & DiStefano 1984; Batra et al. 1986; Norwich 1997). Pour comprendre les principes de cette méthode danalyse reconsidérons le système eau à 2 compartiments (Fig.IV-1) utilisé dans les chapitres précédents. |
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Figure IV-1 : Modèle théorique à 2 compartiments de leau corporelle chez un homme adulte, avec marquage par une dose traceuse q1(0) de marqueur (3H2O). |
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Les données expérimentales restent la seule référence à exploiter. Pour ce faire retenons dans le tableau IV-1 suivant les concentrations plasmatiques de marqueur à partir de 0,3 h, cest-à-dire après la quasi disparition de la première exponentielle du système à 3 compartiments (chap. II). | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Tableau IV-1 : Concentrations plasmatiques en eau tritièe au cours des heures suivant linjection du marqueur par voie intraveineuse (tirées du tableau II-1). |
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Léquation de la courbe est ici bi-exponentielle : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
c1 = 4,6537 exp( 3,4944 t) + 2,4896 exp( 0,002994 t) | IV-1 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Lanalyse
non-compartimentale rend cette équation inutile. Dans un premier temps on détermine la surface sous la courbe ou AUC (chap. II) qui est estimée approximativement par la méthode des trapèzes de Simpson (Fig. IV-2 et 3). Elle consiste à découper le graphe en tranches horaires délimitant des trapèzes dont la base se confond avec laxe des abscisses (temps) et le sommet avec la portion de courbe correspondant à la tranche horaire considérée. Il est évident que le côté supérieur oblique du trapèze de la figure IV-3 nétant pas rigoureusement superposé à larrondi de la courbe, entraîne une erreur inhérente à la méthode. La somme des surfaces de tous les trapèzes est à peu près égale à la surface sous la courbe. |
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Figure IV-2 : Représentation en coordonnées arithmétiques de la courbe des concentrations plasmatiques c1. Laire sous la courbe est fragmentée par des traits verticaux délimitant des tranches horaires. |
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Figure IV-3 : Coordonnées dun trapèze délimité dans une tranche horaire t1-t2 selon la méthode de Simpson. La portion de droite c1-c2 est distincte de la partie colorée et incurvée correspondante de la courbe expérimentale. |
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La méthode est dautant plus précise que le nombre de trapèzes est plus élevé et les intervalles de temps plus courts. On procède en deux étapes. La première consiste à appliquer la méthode de Simpson pour la partie initiale de la courbe comprise entre t = 0 et le temps tp à partir duquel la courbe devient rectiligne en coordonnées semi-logarithmiques (tp = 5 heures dans notre exemple) ce qui donne une première surface : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-2 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
où Sp
désigne la surface dun trapèze dindice p de sorte que nous avons la somme S1+S2+....+Sp.
Dans la deuxième étape, la surface sous la courbe entre t = tp et t = ¥ est estimée par le
rapport de la concentration plasmatique cp (au temps tp) sur la
constante exponentielle b estimée après tp. Dans la pratique, les côtés verticaux du trapèze sont exprimés en concentrations (unité des Y) et sa base en temps (unité des X). Prenons le trapèze de notre graphique couvrant la portion de courbe entre les temps t = 0,3 heure et t = 0,5 heure. Les concentrations respectives sont 4,1186 et 3,2969 % de la dose par litre équivalent de plasma. La surface de ce trapèze est égale à (0,5 - 0.3) x (4,1186 + 3,2969) / 2 = 0,7415 %.heure / litre. La somme des surfaces des trapèzes entre t = 0 et t = tp est donc : |
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IV-3 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
A partir du temps tp, lorsque la courbe est devenue mono exponentielle (vérifier sur le graphique en coordonnées semi-logarithmiques quil sagit bien dune droite), la surface résiduelle sous la courbe entre la concentration du dernier trapèze (cp) et linfini est égale à cp/ß qui nest autre que lintégrale définie : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-4 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
où ß est la constante
exponentielle pour la dernière partie de la courbe et se calcule comme le logarithme
népérien (ou naturel) de (cp/cp+x)/(tp+x-tp). Une autre source derreur vient de lestimation approximative de la concentration au temps t = 0 obtenue par extrapolation des points jusquà laxe des ordonnées. Dans notre exemple elle se situe entre 6 et 8 % de la dose / litre, de sorte que la surface du premier trapèze (entre t = 0 et t = 0,3 heure) est comprise entre 1,52 et 1,82 % heure / litre. Sur lAUC égale à 832,86 % heure / litre et calculée à partir de léquation bi-exponentielle de la courbe (équation IV-1), la variation est de +0,04 %, ce qui est tout à fait acceptable. En prenant pour t = 0 une concentration égale à celle de t = 0,3 heure, lerreur est inférieure à -0,04 % ce qui est encore très acceptable (Tab. IV-2). Vérifions la méthode avec notre exemple numérique en considérant au pire que c1(0) = c1(0,3 h) = 4,1186 % / litre. Les résultats sont rassemblés dans le tableau IV-2. |
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Tableau IV-2 : Valeurs des surfaces sous la courbe des concentrations plasmatiques en marqueur. |
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Lerreur globale
de -0,03 % entre lAUC déterminée par la méthode de Simpson et lAUC exacte
calculée à partir des coefficients et constantes exponentiels (cfrt Chap. II) peut être
considérée comme tout à fait négligeable. Lanalyse non compartimentale donne des résultats corrects si les échanges avec lenvironnement seffectuent au niveau du seul compartiment central (Fig. IV-4). |
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Figure IV-4 : Modèles théoriques correctement traités par lanalyse non-compartimentale où les échanges avec lextérieur se font uniquement au niveau du compartiment central. |
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Elle nest plus valable avec des systèmes présentant des échanges avec lenvironnement au niveau de compartiments périphériques. Cest le cas, par exemple, du métabolisme de la triiodothyronine (Fig. IV-5). Dans un tel modèle, lanalyse non-compartimentale minimise la clairance plasmatique qui ne concerne que le compartiment central, alors quil faut tenir compte de la clairance affectant le compartiment périphérique. En effet une partie des molécules de T3 produites par conversion de T4 en T3 est éliminée (flèche en pointillé) sans transiter par le compartiment central. De même une partie des molécules atteignant le compartiment 2 en venant du premier peuvent quitter le système sans repasser par le compartiment 1. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Figure IV-5 : Modèle théorique du métabolisme de la triiodothyronine incorrectement traité par lanalyse non-compartimentale. |
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Comme nous le verrons
dans un autre chapitre, le volume de distribution Vd est très sous-estimé.
Dans ce cas, seule lanalyse compartimentale permet destimer correctement la
plupart des paramètres du système. Malgré ses limites, lanalyse dite ''non compartimentale'' savère très utile pour simplifier létude pratique du métabolisme de la plupart des substances pharmacologiques exogènes cest-à-dire inexistantes dans lorganisme avant ladministration. Cest le cas par exemple dune purine méthylée, la théophylline, principe excitant du thé voisin de la caféine du café et de la théobromine du chocolat, utilisée comme médicament chez les asthmatiques pour dilater les bronches et améliorer la ventilation pulmonaire. La surface sous la courbe des concentrations plasmatiques en théophylline administrée par voie orale (VO) est identique à celle que lon obtient après injection par IV (Fig. IV-6). Légalité AUCIV = AUCVO signifie que la théophylline est absorbée en totalité par le tube digestif et ne subit pas de dommage dans le foie. On dit que la biodisponibilité F de la théophylline est égale à 1 ou à 100 % : |
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F = AUCVO / AUCIV | IV-5 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Figure IV-6 : Evolution de la concentration plasmatique dune substance pharmacologique administrée par voie intraveineuse (gauche) et par voie orale (droite). |
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Dautres
substances pharmacologiques telles que le propranolol (ß-bloquant adrénergique) avec un
F denviron 25 % ou laspirine avec un F denviron 70 % sont en partie
détruites ou transformées dans lappareil digestif, la première à 75 %, la
seconde à 30 %. La Clairance plasmatique Clp est obtenue par le rapport (D / AUC), le volume de distribution totale Vd, somme des volumes de tous les compartiments du système par lexpression : |
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Vd = D.AUMC / AUC2 | IV-6 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
où AUMC représente la surface sous la courbe des moments statistiques c1*t. Le temps de résidence moyen de leau dans le système sexprime simplement par : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
MRT = AUMC / AUC | IV-7 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
LAUMC se détermine, comme lAUC, par la méthode des trapèzes de Simpson. Les valeurs des produits des concentrations plasmatiques c1 par le temps t ont été calculées à partir des données du tableau IV-1 et font lobjet du tableau IV-3 et partiellement de la figure IV-7. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Figure IV-7 : Courbe des moments statistiques calculée sur une longue période de temps |
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Tableau IV-3 : Moments statistiques pour le modèle eau à 2 compartiments. |
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La surface sous la courbe des moments estimée par la méthode des trapèzes entre t = 0 et tp = 5 h est : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-8 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La surface sous la courbe des moments statistiques à partir de t = tp est : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-9 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Les valeurs de cp, tp et ß des équations IV-8 et 9 concernant lAUMC sont identiques à ce quelles sont lors du calcul de lAUC (équations IV-3 et 4). | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Tableau IV-4 : Valeurs des surfaces sous la courbe des moments statistiques. |
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Lexamen de la
courbe (Fig. IV-7) et du tableau IV-4 montre que la portion dAUMC estimée par la
méthode des trapèzes (équation IV-8) est minime comparativement à lAUMC totale
(pour t = 0 h à ¥ ) dont elle ne représente ici que 0,01 % environ, de sorte que
lerreur sur le calcul de lAUMC est vraiment négligeable. Le tableau IV-5 rassemble quelques résultats obtenus par analyse non-compartimentale pour les comparer aux valeurs obtenues par analyse compartimentale (voir chap. II et III). |
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Tableau IV-5 : Clairance plasmatique, volume de distribution et temps de résidence moyen de leau corporelle estimés par analyse non-compartimentale et compartimentale à 2 compartiments. |
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N.B. : Un bon exercice dintégration par partie consiste à retrouver la formule de lAUMC (surface sous la courbe des moments statistiques) pour un système mono-compartimental. Nous allons dabord traiter lintégrale indéfinie : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-10 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
en posant u = A1.t, avec sa dérivée du = A1.dt, et dv = e-at.dt dont la primitive v = e-at / -a. Sachant que : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-11 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
il vient légalité : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-12 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
En intégrant entre t = 0 et t = ¥ : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-13 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
On peut démontrer que pour un système pluri-compartimental : | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
IV-14 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Léquation IV-12 a été utilisée pour construire la formule IV-9. A1 est remplacé par le moment statistique cp.tp, la constante exponentielle a par ß et le temps t par tp. Pour calculer la surface sous la courbe des moments statistiques à partir de t = tp, on décale la courbe de la figure IV-7 vers la gauche de manière à ce que tp coïncide avec t = 0 (et non plus 5 heures après linjection du marqueur) et que le moment cp.tp = 12,2632 %.h / l (Tab. IV-3) soit sur laxe des ordonnées. Puisque, pour la circonstance, tp prend une valeur nulle le terme ''exp(-ßtp)''devient égal à 1. Dans ces conditions en intégrant dans lintervalle de temps 0 à ¥ on obtient léquation IV-9. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||